Le harcèlement moral est un délit. Longtemps négligé par les Tribunaux Correctionnels, il est aujourd’hui de plus en plus poursuivi.
Des actions contre le harcèlement sont possibles tant devant le Conseil de Prud’hommes que devant le Tribunal Correctionnel, selon le choix du plaignant(e).
1. Les éléments du harcèlement
En droit pénal
Le harcèlement est défini par l’article L.222-33-2 du Code pénal : « Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ».
En droit du travail
L’article L.1152-1 du Code du travail énonce : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L’article L.1152-4 quant à lui précise : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Les personnes mentionnées à l’article L.1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33-2 du Code pénal ».
2. Les éléments de l’infraction
Il est souvent difficile d’identifier à partir de quand le management devient du harcèlement moral, ou bien encore où se situe la frontière entre le pouvoir de direction d’un employeur et le harcèlement moral.
En effet, l’entreprise est un lieu où l’employeur exerce son pouvoir de direction.
A titre d’information, la Cour de Cassation a fixé les frontières entre le pouvoir de direction et le harcèlement moral en énonçant que « les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique (…) peuvent caractériser un harcèlement moral (…) dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entrainer une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (Cass. Soc. 27 octobre 2010).
En adéquation avec cette définition, il a été jugé que constitue du harcèlement le fait de soumettre « les vendeurs à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles » se traduisant pour l’intéressé « par la mise en cause sans motif de ses méthodes de travail notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en présence des collègues et ayant entraîné un état de stress majeur nécessitant un traitement et un suivi médical » (Cass. Soc. 3 février 2010).
La compétitivité avec les autres entreprises appartenant au même domaine d’activité ne saurait justifier un tel comportement de la part d’un employeur.
3. La preuve
C’est souvent la difficulté de ces dossiers.
La preuve peut être rapportée par tout moyen. Ainsi, ont été jugées tout à fait recevables les attestations émanant d’anciens salariés de l’entreprise (certificats médicaux, courriers, etc…), peu importe qu’ils l’aient quittée à la suite d’une démission ou d’un licenciement (CA Toulouse, 17 févr. 2005).
Dans ces circonstances, la jurisprudence est claire : le harcèlement est caractérisé lorsqu’il existe un dénigrement systématique, des propos récurrents humiliants ou vexatoires, des insultes.
En effet, les atteintes à la dignité telles qu’elles sont caractérisées par la jurisprudence sont le plus souvent liées aux conditions de travail et peuvent se manifester par des brimades, des mesures vexatoires, des humiliations.
4. L’intention
Peut-il y avoir harcèlement moral sans intention de nuire ?
La Cour de Cassation considère que « le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel » (Cass Soc 10 novembre 2008).
En outre, la Cour de Cassation refuse d’admettre que la notion d’« erreur » puisse permettre d’excuser les agissements de harcèlement moral (Cass Soc 6 janvier 2011).
Ainsi, la bonne foi de l’employeur ne peut suffire à l’exonérer. Aussi, les employeurs doivent-ils réagir dès qu’ils ont connaissance de faits de harcèlement (ou jugés comme tels par les plaignants).
5. Les actions possibles face à une situation de harcèlement au sein de la société en interne
Toute personne informée peut déclencher une procédure interne de vérification des faits allégués afin, et le cas échéant, de les faire cesser.
La mise en œuvre de cette procédure ne doit pas avoir pour but de diffuser de fausses allégations ou de porter atteinte à la réputation d’une personne.
Les salariés peuvent se faire assister dans toutes leurs démarches par un représentant du personnel ou par une personne de leur choix appartenant à l’entreprise.
L’enquête doit être menée dans un délai raisonnable et comportera des investigations, y compris auprès du Médecin du travail, des auditions et des confrontations utiles.
Le salarié mis en cause sera informé de la procédure mise en place par tout moyen.
Cette enquête doit être menée dans la plus grande confidentialité afin de garantir le respect et la dignité de chacun.
Si le harcèlement semble établi, il sera possible de mettre en place une procédure de médiation, le choix du médiateur devant faire l’objet d’un accord entre les parties.
En tout état de cause, l’employeur doit enquêter dès qu’il a connaissance de faits pouvant s’apparenter à du harcèlement.
Dès lors, à réception de la plainte, l’employeur doit convoquer l’ensemble des salariés à des entretiens individuels.
Il peut aussi prévenir l’Inspection du travail de sa démarche et interroger le Médecin du travail.
Lors des entretiens, il se doit de rester le plus objectif possible et d’expliquer la raison de l’enquête.
Le rôle de l’employeur consiste à noter les propos recueillis, sans les déformer.
Une fois tous les salariés entendus, l’employeur doit aussi procéder à l’audition du présumé auteur du harcèlement afin de lui permettre de s’expliquer sur les accusations dont il fait l’objet.
Le résultat de l’enquête sera notifié aux parties par l’employeur, qui en tirera les conséquences compte tenu de son obligation de sécurité de résultat.
Attention cependant : il n’est pas aisé de dégager sa responsabilité pénale : « Attendu, cependant, que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité » (Cass. Soc., 21-06-2006, cassation partielle).
De la même façon, l’absence de faute de la part de l’employeur ne peut l’exonérer de sa responsabilité ; « il doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés » (Cass. Soc. 25/04/2012).
Isabelle OGER-OMBREDANE
Spécialiste en droit du travail et en droit pénal